Les Chroniques de Lucullus n°341

Écrit par Lucullus. Publié dans Les chroniques.

plumeAmis gourmands bonjour,

Absent une bonne semaine pour cause de congés, ne croyez pas que j'ai pour autant, abandonné mes pérégrinations gourmandes.
Il était prévu samedi dernier que nous nous rendions, mon épouse et moi même, aux journées de Cambremert concernant les AOC/AOP de Normandie. Le temps annoncé étant, il faut bien le dire, plus un temps de fin d'automne que printanier, nous avons décidé de changer notre itinéraire afin de rechercher ailleurs un temps plus sec.

Ailleurs ce fut presque à l'aventure, mais pas tout à fait.
Connaissez vous les pays d'Othe et d'Armance? Non?
Le Chaourçois peut être?
Non plus?
Alors c'est bien dommage car nous y avons rencontré des gens bien sympathiques, fiers de leur métier et défendant leur terroir mais aussi d'excellentes spécialités locales.

Je vous brosse, tout d'abord, un tableau d'ensemble.
Les pays d'Othe et d'Armance sont voisins et se trouvent en Champagne à l'ouest et au sud ouest de Troyes.
Le pays Othe étire son paysage boisé sur de jolis vallons autour de la Nosle, de la Vanne.
L'Armançois quant à lui s'étale de part et d'autre de l'Armance, petit cours d'eau, assez tumultueux, dont la cité la plus connue est Chaource.
Lorsqu'on se promène dans ces deux pays, au gré des petites routes sinueuses, on est sous le charme de l'alternance des bois, des vergers et des champs. Dire que ceux de colza jaune vif et de blés encore verts, se disputent le paysage serait méconnaître les champs de chanvre, de pois ou de pommes de terre. Ces deux derniers ont une réelle importance car leurs productions rentrent dans la nourriture des cochons fermiers élevés par de nombreuses exploitations. Il faut dire que la ville de Troyes, toute proche, est célèbre pour ses andouillettes.
On trouve également des élevages de vaches à lait et de moutons. Les agneaux de l'Aube sont réputés.
Il ne faudrait pas oublier non plus les vergers renommés du pays d'Othe. Le cidre y est délicieux et le ratafia peut être traitre si on n'y prend pas garde.

Nous avons débuté notre balade par le Chaourçais.
Tout le monde connait ce superbe fromage au lait de vache qu'est le Chaource. Crémeux et fleuri, il fait le régal des amateurs de fromage. Il a d'ailleurs son AOC depuis 1970.
Furetant autour de Chaource nous avons découvert, sur la route de Maisons-lès-Chaource, un producteur ou une productrice, devrais je dire en la personne de madame Callewaert. Très avenante, cette dame nous expliqua tout le processus de fabrication de ce régal. De plus, par de larges baies vitrées réparties tout autour des ateliers, il était possible de regarder l'intérieur du site de production depuis l'arrivée du lait, essentiellement celui de Prim'hosltein, jusqu'aux différentes salles d'affinage.
De fait le lait est ensemencé de présure, le caillé se fait en un peu plus de 12 heures mais pas moins, puis il est mis en moules afin de pouvoir prendre sa forme et s'égoutter doucement. Lavé à l'eau salée, il est alors mis en cave d'affinage pendant au moins 14 jours. C'est là qu'il va se couvrir d'un joli duvet du au penicillium candidum, charmant petit champignon. Il existe de tailles de Chaource, la première de 8,5 cm et pour les gourmands la seconde de 11,5 cm.
Évidemment nous n'avons pas résisté au plaisir d'en acheter.

Parlant de petits champignons, nos guides nous ont appris l'existence d'une champignonnière à Cyssangy, non loin de Chaource. Là bas, nous avons rencontré monsieur et madame Poulain dans leur exploitation. Madame Poulain nous a gentiment proposé de nous faire visiter ses zones de productions et de nous en expliquer le fonctionnement.
C'est ainsi que nous savons tout sur la croissance des champignons de Paris blancs ou bruns, des pleurotes blanches ou jaunes, du shii-take, du pied bleu et du pholiote.
Je ne m'imaginais pas toute la complexité de ce genre de production.
Saviez vous que le champignons de Paris est produit sur un substrat à base de fumier de cheval?
Je ne sais ce qu'il en est pour vous, mais personnellement j'adore croquer de jolis champignons bien fermes.

Madame Poulain a une autre corde à son arc, elle cuisine.
Et que cuisine t-elle? Ses champignons bien sûr.
Fidèle à son terroir, elle a concocté une fondue de champignons au chaource que nous avons eu le plaisir de déguster Un vrai régal, tartiné sur une petite rondelle de pain de campagne et passé au four ! A savourer avec une belle salade assaisonnée au vinaigre de cidre.

Mais il était passé midi et de petits gargouillements au creux de l'estomac rappelaient qu'il était temps pour nous d'aller nous restaurer.
Nous étions certains de trouver notre bonheur en ces lieux faits pour la gastronomie. Ce ne fut pas très difficile  effectivement. Sur la place centrale de Chaource, se trouve "l'Auberge sans nom".
Peut être pas de nom mais une belle réputation et de bonnes assiettes, notamment du jambonneau au chaource et un adorable tiramisu à la prunelle de Troyes. Le chablis était la hauteur de l'enjeu.
Il nous a, d'ailleurs, fallu ne pas en abuser car nous avions encore beaucoup à rouler, afin de visiter les environs.
Les environs ce furent de charmants villages tels Ervy le Châtel, Eaux Puiseaux, Auxon, Chamoy, Crésantignes.
On y trouve des maisons, des lavoirs, des halles du 12ème, 14ème, 16ème siècle.
Un vrai délice pour promeneurs aimant l'histoire car ne vous y trompez pas, l'histoire de notre pays s'est inscrite dans le les pays d'Othe et d'Armance depuis très longtemps. L'histoire de Chaource remonte à Charles le chauve qui possédait la villa Cadusia qui devint par la suite la châtellenie de Chaource. Le pays appartenait aux Ducs de Bourgogne.

Notre visite continua alors à Troyes. On ne pouvait venir dans cette région sans passer par sa capitale. Nous connaissions déjà la ville de Troyes et son superbe musée de l'outil et de la pensée ouvrière qui est à mon sens une halte obligatoire et un motif de déplacement en lui même. C'est le plus grand musée d'outils du monde et ce sont les Compagnons du Devoir du Tour de France qui en ont la charge.

Troyes, capitale des comtes de Champagne mais surtout de l'andouillette et de la prunelle.
L'andouillette de Troyes, tout a déjà été dit mais il est bon de rappeler quelques souvenirs.
La seule et véritable andouillette de Troyes est celle caractérisée par l'appellation  AAAAA, dénomination de l'Association Amicale des Amateurs d’Andouillette Authentique, dont le but avoué et déclaré est entre-autres de concourir au maintien du prestige et de défendre par tous les moyens en son pouvoir ses qualités de fabrication.

Cette andouillette, subtil assemblage de porc, taillé en fines lanières, dressé en longueur, embossé à l’ancienne en une robe taillée sur mesure, assaisonné de sel et de poivre mais aussi d’oignons émincés et d’autres aromates, arrosé de vin blanc ou exceptionnellement de champagne et mitonné des heures durant dans un bouillon fleurant bon les herbes aromatiques.
Fermez un peu les yeux, vous les voyez mijoter?
Alors pensez un peu au bonheur qu'on peut ressentir lorsque délicatement grillée et accompagnée de coteau champenois elle éclate en bouche et vous ravit le palais. L'extase gastronomique n'est pas loin?
Je ne puis résister à vous citer ce poème de Charles Monselet tiré de son Ode au cochon:

Dédaignons la mouillette
Et le côte au persil.
Crépine sur le gril,
Ô ma fine andouillette.
Certes, ta peau douillette
Court un grave péril.
Pour toi, ronde fillette,
Je défonce un baril.
Siffle, crève et larmoie,
Ma princesse de Troyes,
Au flanc de noir zébré.
Mon appétit te garde
Un tombeau de moutarde
De Maille ou du Vert-Pré.

Il fut temps après une promenade digestive dans les rues de Troyes d'aller se reposer pour préparer notre promenade en Pays d'Othe après celle en Armançois

Nous avons repris notre périple le matin, une fois nos forces retrouvées. Notre but, le pays d'Othe autour de sa principale ville Aix en Othe. Le temps après une nuit pluvieuse nous souriait. Le soleil ayant refait son apparition illuminait les champs et les prairies qui ondulaient sous le vent.
Guides en mains nous nous lancions à la découverte de ce petit coin préservé de nos campagnes. Assis entre Champagne crayeuse et Champagne humide, le pays d'Othe est pays de contrastes. Le plateau situé au nord montre de grandes zones champêtres plates entrecoupées de dépressions mais c'est au sud que le paysage est le plus agréable. De grands vallons se succèdent depuis Nogent en Othe jusqu'à Pâlis en passant par Paisy Cosdon, Estissac ou Rigny Ferron.
Là, on trouve les vergers qui font la renommée du pays, Le cidre sur ce terroir est délicieux et rafraîchissant.

D'ailleurs nous avons rencontré un producteur passionné en la personne de Olivier Euillot qui avec son beau-père Frédérik Goussin décline la pomme de belle manière. Bien sûr le cidre classique, tradition, y tient une bonne place mais cet œnologue à plein d'idée sur la question.
Je dois dire qu'à la dégustation,il n'y a pas de question à se poser. Son cidre élaboré façon champagne vaut le détour. Dégorgé et élaboré comme un champagne par adjonction de sucre et de levure breuvage est un  réel délice.
Évidemment le travail de l'homme est important mais celui de la nature ne l'est pas moins.
C'est ainsi que nous avons appris que certains pommiers de ses vergers dataient de son arrière grand -père d'où l'appellation 1900 inscrite sur les étiquettes. La tradition et le respect des anciens, ne sont point choses incongrues lorsqu'on entend élaborer des produits de qualité.

C'est donc alourdis de quelques bouteilles de cidre que nous sommes rentrés à la maison afin de prendre un repos bien mérité et pouvoir préparer ce billet en votre intention.

Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine

Gastronomiquement Votre, Lucullus

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