Les Chroniques de Lucullus n°331
Amis gourmands bonjour,
Si le blé que nous mangeons se transforme en os en chair et en os c'est qu'il contient déjà des particules d'os et de chair. Rien ne naît ni ne périt. Le tout reste égal à lui même.
Ainsi parlait Anaxagore en -480 de notre ère. Le mouvement, le Noûs en sera la force organisatrice.
On peut remonter au présocratique, si on le désire, afin de retrouver un peu de bon sens qui me semble avoir disparu de notre siècle. Il suffit de lire la presse actuelle pour comprendre que nos contemporains devraient apprendre leurs classiques.
Un Anglais, Martin Smith, cela ne s'invente pas, a décidé de ne manger qu'une seule fois par jour. C'est, il me semble, se priver de grands plaisirs mais, me direz vous, c'est son problème. Si l'affaire s'arrêtait là, elle n'aurait que montré l'inintelligence de cet individu. Le problème c'est que ce monsieur tient un restaurant et veut mettre son concept à l'honneur. Pour 20 €, il cuisine un petit déjeuner monstrueux qu'il veut faire ingurgiter à ses clients. Ne doutons pas que certains écervelés tenteront le pari d'ingurgiter tout cela.
Cela, c'est 4 kg de nourriture soit selon cet ahuri, le poids d'un bébé.
Le Kidz Breakfast ce n'est pas moins de 12 tranches de bacon, 4 tranches de pudding, 8 pain beurrés et des toasts grillés. Viennent ensuite 2 brownies, 8 œufs brouillés, du fromage, des tomates et des pommes de terre. Bref 6000 calories. Je ne parle même pas des effets secondaires concernant le cholestérol, les sucres.
Moi, ça me met en rogne que des gens, faisant profession de restaurateur, n'aient un minimum de bons sens ni même d'intelligence.
"Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger" disait Brillat-Savarin en 1825 dans son ouvrage, la philosophie du goût. Quand je vous dis que le bon sens se perd, je ne pense pas être très éloigné de la vérité.
Nos bobos ne sont pas à une idée près pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Il paraît, que l'important pour le contenu d'une assiette c'est son esthétisme. Certains s'esbaudissent, lors du "Paris des chefs", comme cette étudiante en master de gastronomie qui nous inflige un :" On a l'habitude des études théoriques sur les liens entre cuisine et art. Cette démonstration c'est comme un concert."
A mon avis elle ferait mieux d'aller en cuisine plutôt que de raconter des âneries, C'est là que la gastronomie se tient et nulle par ailleurs.
Mon concert à moi, pour reprendre l'idée des vessies c'est la poularde en vessie de Baraterro à Lamastre (07). Curnonsky, prince des gastronomes, disait de cet établissement: "Une de ces hostelleries où l’on s’entend manger".
Mon esthétisme à moi, mon soleil, mon plaisir, il est là, ou dans un pot au feu qui embaume toute la maisonnée et qui donne envie de s'attabler alors même qu'on vient de finir le repas. Rien que d'y penser j'ai ai l'eau à la bouche.
Alors pour parodier Diogène de Synope je dirai "Ôte de mon soleil et laisse mon déguster mon plat avec sérénité".
Le plaisir de la table est chose trop sérieuse pour la laisser à des mécréants.
Je nuancerais tout de même même mon propos et apaiserais mon ire en disant qu'une belle assiette et une jolie décoration ne gâchent rien. On demande au restaurateur, chez qui l'on dine, un peu plus qu'à la maitresse de maison. Cela dit la confection d'un plat n'est pas une épreuve finale des beaux-arts, et vouloir faire passer une assiette contenant des betteraves et des framboises ou des tomates, des feuilles de chicorée et de la crème d'anchois pour des tableaux de maître, c'est se moquer du monde.
Heureusement que certains, se prêtant néanmoins au jeu, n'en disent pas moins, "qu'un chef n'est pas un artiste,le goût et la gourmandise passant avant.
Bref tout n'est pas perdu.
Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine
Gastronomiquement Votre, Lucullus
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