Les Chroniques de Lucullus n°366
Amis gourmands bonjour,
On peut la caresser, l'attaquer, en prendre, avoir un penchant pour, la jeter à la mer, l'aimer lorsqu'elle est dive, la bêcheveter, la pailler, s'attabler autour surtout si elle est bonne et encore
10 000 choses. Vous l'aurez deviné je pense, je parle de la bouteille.
Le poète disait que "le soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles" (Beaudelaire -les fleurs du mal).
Voilà bien quelque chose de commun dont beaucoup ignorent l'histoire. C'est un de mes amis, Serge pour le nommer et le remercier, qui m'a envoyé un papier relatif aux bouteilles et à leurs contenances, qui vous vaut ce matin cette Chronique, 17ème du nom.
Le nom bouteille vient du vieux français boutiaux ou boutille qui étaient à l'origine une gourde en cuir.
L'usage du verre date de l'antiquité y compris pour la réalisation de récipients.
Au début de notre ère, la découverte de la canne du verrier permis de souffler des fioles et des bouteilles. Cette découverte fut réalisée à Chypres ou Rhodes et peut être même en Perse voisine.
C'est vers le IVème siècle que le fond plat fut progressivement remplacé par la piqure. Si le col n'avait pas de taille précise, le goulot n'avait pas non plus la forme que nous lui connaissons de nos jours. L'épaule bien marquée se terminait par un corps ventru qui ne devint cylindrique que bien plus tard.
C'est en 1632 qu'un Anglais, Kenelm Digby, tout à la fois pirate/espion/écrivain/diplomate et surtout fou de sciences, qui inventa la bouteille de vin moderne avec un goulot renforcé permettant au viticulteur d'enfoncer le bouchon avec un maillet sans risquer de casser le col de la bouteille.
Ce n'est que vers le milieu du XVIIème siècle, avec l'invention des fours à charbon que l'on put réaliser de manière industrielle des bouteilles résistantes qui petit à petit remplacèrent les autres conditionnements.
La forme n'était pas forcément fixée et des édits royaux en contrôlaient la fabrication pour éviter les tromperies.
De nos jours les bouteilles sont réalisées par soufflage puis moulage et leurs formes ont été spécialisées. Je parle ici des bouteilles de vin.
Il existe, de manière générale, chez nous, 8 types de bouteilles de vin (Bourgogne, Bordeaux, Provence, Champagne, Jura, Val de Loire, Côtes du Rhône, Alsace).
On peut trouver encore de vieilles formes comme la pissette (50cl).
Mais quelque soit sa forme une bouteille à la même constitution, les même différentes parties.
Bague, col, épaule, corps ou flute, piqure, jable
La bague est la partie supérieure de la bouteille comprenant le renflement sur lequel vient s'attacher Le collet (bague en fer pour tenir les bouchons de type champagne, cidre ou bière).
Le col, plus ou moins long et plus ou moins étroit suit la bague jusqu'à l'épaule qui est le partie où la bouteille s'évase. L'épaule peut être tombante (Alsace) Arrondie (Bourgogne, Bordeaux) Droite (Jura).
Vient ensuite le corps ou fût mais aussi flûte.
Dans la partie basse le jable est le véritable talon de la bouteille sur lequel celle ci repose
Enfin il y a le fond qui peut être plat ou piqué.
On parle alors de la piqure de la bouteille qui peut être plus ou moins prononcée.
Les différentes bouteilles portent des noms spécifiques en fonction de leurs formes ou de leurs contenances. Voici un tableau récapitulatif.
Contenance en litre |
Équivalence en bouteilles |
Champagne |
Bourgogne |
Bordeaux |
Autres |
0,05 |
|
Mignonnette |
|||
0,09 |
1/8 |
huitième |
— |
— |
|
0,2 |
1/4 |
quart |
piccolo |
piccolo |
|
0,25 |
1/3 |
chopine |
chopine |
chopine |
|
0,38 |
1/2 |
demie |
demi ou fillette |
demi ou fillette |
|
0,5 |
2/3 |
— |
chopine |
pot |
Désirée (Suisse) |
0,6 |
4/5 |
médium |
— |
— |
|
0,62 |
4/5 |
— |
— |
— |
Clavecin (Jura) |
0,75 |
1 |
champenoise |
bouteille |
Flûte (Moselle) |
|
0,8 |
— |
— |
— |
Namuroise (Namur) |
|
1,28 |
— |
— |
— |
Grosse panse (Liège) |
|
1,5 |
2 |
magnum |
magnum |
magnum |
Fiasque (Chianti) |
2,25 |
3 |
— |
— |
marie-jeanne |
|
3 |
4 |
jéroboam |
jéroboam |
double magnum |
|
4,5 |
6 |
réhoboam |
réhoboam |
réhoboam |
|
5,25 |
7 |
— |
— |
jéroboam |
|
6 |
8 |
mathusalem |
mathusalem |
impériale |
|
9 |
12 |
salmanazar |
salmanazar |
salmanazar |
Dame Jeanne (Provence) |
10 |
|||||
12 |
16 |
balthazar |
balthazar |
balthazar |
|
15 |
20 |
nabuchodonosor |
nabuchodonosor |
nabuchodonosor |
|
18 |
24 |
salomon9 |
salomon |
melchior |
|
26,25 |
35 |
souverain |
— |
— |
|
27 |
36 |
primat10 |
— |
— |
|
30 |
40 |
melchizédec |
— |
— |
|
93 |
124 |
Adélaïde |
— |
— |
|
150 |
200 |
sublime |
Si dans le Nord vous pouvez être interpellé de la sorte "min tchiot garchon va donc quère an botel eud bère al caf" à Paris il faudra péter son "kil" (1 kilo pour 1 litre), de toutes les manières il s'agira d'étancher une soif certainement inextinguible.
Je vois les doigts se lever pour une question!
Pourquoi les bouteilles font 75cl?
Excellente question car dans le système "métrique que nous utilisons depuis la révolution une bouteille devrait faire 1 litre et non ¾ de litre.
En fait cela vient de l'époque ou les principaux clients de vins français à l'étranger étaient les Anglais. L'unité de mesure anglaise phare était, à cette époque du XIXème siècle, le gallon impérial qui valait 4,54609 litres.
Perfide Albion, qui ne peut ou ne veut rien faire comme toute le monde, me direz vous.
Peut être mais les affaires sont les affaires.
Le vin se transportait en barriques de 50 gallons soit environ 225 litres.
Pour éviter un casse-tête dans la conversion, ils transportaient le Bordeaux en barriques de 225 litres, soit 50 gallons, en arrondissant. 225 litres font exactement 300 bouteilles et 300 est un chiffre plus aisé pour faire des calculs que 225.
Au final on a donc 1 barrique de 50 gallons ou 300 bouteilles, donc le gallon vaut 6 bouteilles
C'est d'ailleurs pourquoi, aujourd'hui encore, les caisses de vin sont la plupart du temps vendues par 6 ou 12.
Il ne faut pas confondre barriques et tonneaux. Le tonneau est essentiellement une appellation marine dont la définition exacte est bien trop longue. En voici toute de même une approche qui pourra vous faire saisir que tout est quand même lié.
Un tonneau est une futaille qui, lorsqu'elle est pleine d'eau est supposée peser 1000 kilos, ou, environ 2000 livres (ancien poids). On lui donne, aussi le nom de Pièces de quatre, parce qu'elle est de la contenance de quatre barriques dont le poids lorsqu'elles sont pleines d'eau, censé être de 250 kilos chacune, ou environ 500 livres (ancien poids).
Source: Dictionnaire de la marine à voile du Capitaine Pierre-Marie-Joseph de Bonnefoux
(Ce dictionnaire est une référence mondiale)
La définition exacte fait plus d'une page de dictionnaire.
Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine.
Gastronomiquement Votre, Lucullus
Commentaires
- Aucun commentaire trouvé
Ajouter vos commentaires
Merci de vous identifier pour pouvoir poster un commentaire
Poster un commentaire en tant qu'invité