Les Chroniques de Lucullus n°481
Amis gourmands bonjour,
Ploïdie – Triploïde
La ploïdie est un terme de biologie faisant référence au nombre de chromosomes contenu dans le noyau des cellules vivantes ; les chromosomes étant eux-mêmes constitués de milliers de gènes (caractères tels que la couleur de la coquille, la forme...) qui sont transmis lors de la reproduction.
On parle alors de jeux de chromosomes, dont le nombre varie selon les espèces, mais qui sont généralement présents sous la forme d'une paire (2n).
Un jeu étant d'origine mâle et l'autre femelle, c'est-à-dire provenant de chacun des deux parents.
Chez l'homme il y en a 23+23 (soit 46), chez l'huître 10+10 (soit 20).
On dit alors n=23 ou n=10. Les organismes à 2n chromosomes sont appelés diploïdes.
Mais il arrive que le nombre de jeux de chromosomes soit plus élevé, par exemple 3n (alors appelé Triploïdes), 4n (tétraploïdes)... Il s'agit alors d'organismes polyploïdes.
L’Ifremer a contribué au lancement de la production au début des années 2000, puis, en 2007, a déposé un brevet intitulé “Obtention de mollusques bivalves tétraploïdes à partir de géniteurs diploïdes” qui porte notamment sur les huîtres et les moules. Car ce sont les souches à quatre jeux d’ADN, fertiles, qui, par croisement avec des souches diploïdes, génèrent des triploïdes.
Les huîtres triploïdes ne sont pas des OGM, leur patrimoine génétique n’étant pas affecté. L’Ifremer gère en exclusivité un cheptel de 150 géniteurs tétraploïdes, qui reste confiné dans son laboratoire de La Tremblade (Charente-Maritime). Ces géniteurs sont mis à la disposition des écloseurs pour effectuer les croisements.
Deux méthodes de modification
La première méthode consiste à produire des gamètes à 2n chromosomes (au lieu de n pour un gamète normal), via un choc chimique ou physique (notamment thermique).
La fécondation de ces gamètes avec avec un gamète classique à n chromosomes (haploïde) donne une huître triploïde à 3n chromosomes.
La deuxième méthode, brevetée en 1996 aux Etats-Unis, et actuellement prédominante, consiste à féconder un ovule triploïde (3n chromosomes), résultant donc d’une première manipulation, avec un spermatozoïde haploïde (n). Les huîtres obtenues (4n) croisées avec des diploïdes, donnent naissance à des larves triploïdes, sans mortalité, de qualité uniforme et en théorie stériles.
l’Inra précise dans un avis de 2004 que si quelques huîtres tétraploïdes s’échappaient des écloseries, cela entraînerait « en une dizaine de générations, le basculement vers une population exclusivement tétraploïde ».
Des risques évalués avec des données lacunaires
En 2001, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a, dans un avis, répondu à la question de " l’équivalence des huîtres triploïdes par rapport à des organismes diploïdes ou “sauvages”.
Tout d’abord, elle rappelle que "près de la moitié des espèces végétales sont polyploïdes" mais que "la polyploïdie naturelle est plus rare chez les animaux".
Actuellement, seules les huîtres et les truites sont modifiées pour devenir triploïdes.
Pour les risques potentiels de ce nouveau produit, l’Afssa regrette que les études de l’Ifremer ne soient pas publiées et conclut que
"dans l’état actuel des données disponibles, [...] le caractère polyploïde des huîtres ne paraît pas constituer en lui-même un facteur de risque sanitaire au regard de l’existence de ce phénomène, à l’état naturel dans les règnes animal et végétal, et de son recul d’utilisation à des fins d’amélioration des espèces ; […] les huîtres triploïdes sont consommées depuis de nombreuses années, sans qu’aient été rapportés d’incidents particuliers liés à leur consommation.
Cependant, aucune donnée disponible ne permet d’évaluer si l’incidence des toxi-infections alimentaires observées après consommation d’huîtres est différente entre des huîtres triploïdes et diploïdes".
Depuis l’introduction des animaux de laboratoire dans les élevages, le petit monde de l’huître ne tourne plus rond. De 130 000 tonnes par an, la production d’huîtres est tombée à 80 000 tonnes.
En 2008 et 2009, le virus herpès OsHV-1 a frappé massivement les juvéniles (jeunes huîtres de moins d’un an) détruisant jusqu’à 80 % du cheptel de certains parcs ostréicoles.
Aujourd’hui encore, les épizooties continuent de sévir dans les élevages.
"Dans plusieurs secteurs, les mortalités d’huîtres adultes n’ont jamais été si importantes et touchent indistinctement les diploïdes et les triploïdes", déplore Louis Teyssier, président du comité régional conchylicole (CRC) de Normandie-mer du Nord.
De là à rendre responsables du désastre les naissains provenant d’écloserie, il n’y a qu’un pas.
L’association Ostréiculteur traditionnel, qui compte 70 adhérents, n’a pas hésité à le franchir à l’automne dernier en assignant l’Ifremer pour "défaut de surveillance sanitaire depuis la commercialisation des huîtres des écloseries".
Les plaignants estiment en effet que l’explosion de la proportion de triploïdes a fragilisé le cheptel et favorisé la dissémination de l’herpès. Le rapport d’expertise judiciaire du professeur J. D. Puyt apporte de l’eau à leur moulin. Il pointe en effet "l’absence de diagnostic médical qui a empêché l’Ifremer de formuler le moindre avis, notamment sur les mesures de prophylaxie à prendre"
Cette expertise constate en outre que le virus sévissait déjà dans les élevages avant l’apparition des triploïdes, et qu’une flambée virale, probablement par mutation, a provoqué les mortalités constatées.
Mais les ostréiculteurs ont leur part de responsabilité dans le désastre : la surcharge des bassins ostréicoles par des tonnes de mollusques qui vont et viennent sans contrôle de leur état sanitaire ni de connaissance des productions primaires nourricières (plancton) ont multiplié les risques.
Quid de l’étiquetage obligatoire ?
En attendant l’issue du procès, les ostréiculteurs traditionnels, soutenus par le sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé, reviennent à la charge sur la question de l’étiquetage obligatoire.
Interrogé sur ce point le 12 mai dernier par M. Labbé, le secrétaire d’État chargé des transports, de la pêche et de la mer, Alain Vidalies, a pris la défense des triploïdes qu’il juge complémentaires des diploïdes issues d’écloseries ou de captages naturels.
Toutefois, il s’est montré favorable à l’affichage des mentions "huîtres issues d’écloserie" (triploïdes ou diploïdes) et " huîtres de captage naturel" (forcément diploïdes).
Pas sûr que le consommateur y voie plus clair. Avant de mettre en place un étiquetage franco-français sur les triploïdes, ne vaudrait-il pas mieux commencer par faire respecter la réglementation européenne sur l’origine des produits ? Force est de constater que les gros opérateurs s’en affranchissent ! "Sur un cycle d’élevage de 2 à 3 ans, il suffit d’un mois d’affinage dans les claires de Marennes-Oléron pour que des huîtres élevées en Irlande, en Normandie, et bientôt au Maroc, deviennent charentaises", s’insurge sur son blog Philippe Favrelière, ingénieur agricole et expert en aquaculture. "Il y a donc tromperie, ou du moins manque de transparence vis-à-vis des consommateurs, et concurrence déloyale envers les ostréiculteurs qui continuent à produire une huître locale et qui exploitent et entretiennent les parcs marins des différents "merroirs" sur tout le littoral français. Le problème est là… et pas ailleurs".
Tétraploïdes : un risque pour l’environnement
Les huîtres triploïdes sont obtenues par croisement d’huîtres diploïdes (2 lots de 10 chromosomes), avec des huîtres tétraploïdes (4 lots de 10 chromosomes) dont le nombre de chromosomes a été doublé par des procédés brevetés par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer).
L’organisme de recherche public vend ses tétraploïdes aux écloseries qui doivent les détruire ou les restituer à l’Ifremer après utilisation. La fuite des tétraploïdes dans le milieu naturel serait une catastrophe écologique car ces super-géniteurs femelles pourraient se reproduire avec des huîtres diploïdes "sauvages" et donner naissance à des huîtres triploïdes donc stériles. En outre, la disparition des naissains de captage naturel rendrait les ostréiculteurs entièrement dépendants des écloseries.
Problème : le brevet d’obtention des huîtres tétraploïdes détenu par l’Ifremer expire cette année. Il pourrait donc échoir à des entreprises privées. Pour éviter ce scénario à la Monsanto, le Comité national de conchyliculture (CNC) envisage de se porter acquéreur du brevet.
Articles compilés fournis par Denis.
Les sources sont diverses.
Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine et un bon mois d'août.
Gastronomiquement Votre, Lucullus
Commentaires
- Aucun commentaire trouvé
Ajouter vos commentaires
Merci de vous identifier pour pouvoir poster un commentaire
Poster un commentaire en tant qu'invité