Les Chroniques de Lucullus n°396

Écrit par Lucullus. Publié dans Les chroniques.

plumeAmis gourmands bonjour,

Brrr, il fait froid dans cette introduction.
Il faut dire que le vent souffle bien ce matin et l'air est bien humide, dixit un gars du coin.
En fait, il bruine fort, presque une ondée et le vent froid pique le bout du nez et gonfle les poumons d'un air vivifiant.

Mais cela ne fait rien, voici ma troisième promenade et je compte sur vous pour m'accompagner. Je n'aime pas y aller trop solitaire.

Il y a longtemps que je n'y suis pas retourné et j'avais envie de le revoir. C'est en cette saison de tempête que c'est le plus agréable, qu'on y éprouve le plus de sensations. On est en communion avec les éléments. Il est là droit devant moi, tout coloré de noir et de blanc, érigé tel menhir moderne, illuminant le large de ses yeux scintillants, défiant l'immensité grondante de l'océan. Le phare de Chassiron est au bout de l'île d'Oléron, à la pointe extrême de ce bout de terre.

Devant lui c'est l'océan. Un vent furieux fait moutonner la crêtes des vagues et des déferlantes qui viennent se briser au pied de la petite falaise, lui arrachant des gros rocs marron qui serviront ensuite de brise-lames.
Les pièges à poissons sont submergés par la succession sans fin des vagues.

Ici, les arbres poussent couchés lorsqu'ils arrivent à pousser.
Qu'on ne s'y trompe pas, le patron de ces lieux est Eole et non pas Neptune.
Il faut visser le bonnet sur son crâne si on veut qu'il continue à faire son office.

Les embruns, cinglent les joues trop tendres des visiteurs. Ce sont des véritables soufflets que le vent administre et c'est avec les joues écarlates et piquantes de sel que le touriste repartira émerveillé et stupéfait par la puissance des éléments.
Cela fait longtemps que les habitants de l'île ont appris à supporter les attaques du vent, à ne plus y résister sottement. Leurs visages parcheminés, ridés, creusés, en portent témoignage.

J'éprouve toujours un grand bonheur presque une jouissance, à me trouver là lorsque la nature montre sa force. Cela me rappelle mon passage aux Kerguelen dans les 40ème. C'était vraiment là-bas, la toute première fois, où je pris pleinement conscience de la nature de l'océan. Ce sont des lieux où l'on apprend l'humilité. Ce sont des lieux où, face à la toute puissante nature, on apprend l'inanité de tant de choses.

La pointe de Chassiron fait partie de ces endroits forts
Alors vous venez, ne trainez en arrière. Allez un peu de courage que diable.
Dépassons le phare pour voir le sémaphore qui abrite quelques marins aux aguets, épiant la mer et ceux qui osent s'y aventurer.
Continuons, avançons sur l'étendue herbeuse qui suit les bâtiments et abrite les restes des bunkers d'une autre époque.
Avançons encore. Là c'est bien pas trop près du bord, la mer mange la terre et il ne faudrait pas être emporté par quelques rochers capricieux.

Fermez les yeux et ouvrez les oreilles.
Plus que par la vue, le goût ou l'odorat, pourtant mis à contribution eux aussi, c'est par l'ouïe qu'en ces lieux battus par la force du vent qu'on prend, au mieux, la mesure des forces ici lâchées. On est alors seul face à la mer. On n'entend plus rien du monde connu. Seuls parviennent à nos oreilles les grondements puissants de la mer, le ressac des vagues venant se briser sur les rochers et le sifflement du vent.
Alors seulement, sentez l'odeur du varech, ressentez le goût du sel sur vos lèvres.
Alors seulement ouvrez les yeux pour voir les myriades de coupures d'écume qui emplissent l'horizon.
Alors seulement vous aurez le tableau complet et vous approcherez doucement de la sensation que tout marin hauturier  ressent lorsque les côtes disparaissent dans le lointain.

On est bien là, non?
Respirez à pleins poumons. Faites provision de cet air puissant qui vous grise et vous enivre.
Croyez le ou non mais 15 minutes à respirez à la pointe Chassiron et point de rhume pour le reste de l'hiver.

La tête vous tournerait presque?
C'est normal, vous n'êtes pas habitué à ça. C'est puissant comme une drogue mais on y revient dès que l'on peut croyez moi.
Allez venez, rentrons, il faut ouvrir les huîtres.

Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine.

Gastronomiquement Votre, Lucullus

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