Les Chroniques de Lucullus n°398

Écrit par Lucullus. Publié dans Les chroniques.

plumeAmis gourmands bonjour,

Un chose est certaine c'est qu'on ne va pas avant un certain temps vers les beaux jours. J'entends par cela, les jours chauds.
Tout un chacun s'y prépare.
On ressort les chandails, les gants, les bonnets.
On nettoie son jardin pour ceux qui ont la chance d'en avoir un.
On dote la voiture de pneus hiver
Bref nous prenons tous nos précautions face aux frimas à venir.

Il en est de même en cuisine. Les plats roboratifs, reconstituants, sont de retour car il convient de se remettre en forme après avoir affronté le froid et même le grand froid.
C'est maintenant le retour des pot au feu, des daubes et autres gardianes ou estouffades sans oublier la choucroute, le cassoulet, le bäckeoffe, le gulash, le hochepot et tant d'autres plats qui fleurent bon l'automne et surtout l'hiver.

Mais il y a une chose dont je n'ai pas parlé et qui pourtant me tient à cœur, car pendant des décennies, des siècles même cela servait souvent de premier plat et même pour les moins fortunés de plat unique.
Il s'agit des soupes et des potages.

Les petites gens, qui ne mangeaient qu'exceptionnellement de la viande, avaient cependant soit au saloir soit dans la cheminée du lard de porc.
Ce lard servait à faire un bouillon gras qui était ensuite utilisé pour tremper une grosse tranche de pain qu'on appelait une soupe. D'où l'expression être trempé comme une soupe.
La soupe est donc un bouillon clair épaissi.

Il ne faut pas confondre soupe et potage. Ce sont là des faux frères.

Histoire et classifications
Les grands cuisiniers que l'on connait pour avoir codifié la cuisine actuelle avaient pour habitude d'appeler ancienne cuisine, celle de 18ème siècle et d'avant.
Les potages étaient alors de véritables plats complets. Ils comprenaient le liquide qu'on appelle aujourd'hui potage mais aussi toutes les viandes et légumes ayant servi à leurs élaborations.
De nos jours on retrouve les hochepots qui sont des préparations simplifiées de ces potages.
Cela montre l'étendue et la complexité des services de table de ces époques.

C'est Antonin Carême (1783-1833) qui débuta la codification des services.
En premier il sérialisa les diverses préparations et en codifia les formules. C'est à dire qu'il figea les recettes. Formules étant l'équivalent de recette dans le jargon culinaire.

Tout au long du 19ème siècle les cuisiniers ont suivi son exemple. Cela permit d'atteindre un degré de perfection élevé dans la réalisation des potages.

Néanmoins, la question des appellations ne s'était pas posée, et ce n'est qu'au début du 20ème siècle qu'un autre grand cuisinier, Auguste Escoffier (1846-1935) termina la tâche de son prédécesseur.
Je reprendrai ici la phrase même de ce grand monsieur.
Au point de vu des Services, les potages se divisent en deux grandes classes, les potages clairs et les potages liés.

Un grand repas comprend toujours un potage de chaque classe.
Aujourd'hui un seul potage est servi et le choix dépend de l'ordonnance générale du menu.

Les potages clairs:
Ce sont des consommés, parfois très légèrement liés au tapioca ou à la maïzena. Il ne comportent qu'une garniture minimum en rapport avec l'élément de base, viandes, volailles, gibiers, poissons.

Les potages liés sont de sont de 5 genres.

  • Les Purées, Coulis, Bisques.
  • Les Crèmes.
  • Les Veloutés.
  • Les Consommés liés.
  • Les Potages spéciaux.

Ces derniers ont une formule unique et invariable mais participent, selon Escoffier à plusieurs genres.

Les trois premiers genres diffèrent essentiellement par le principe initial de liaison. Ils ont tous une purée quelconque pour base.

Les purées, coulis, et bisques
L'élément de liaison peut être selon la nature du traitement, du pain, du riz ou un féculent comme la pomme de terre.

Les crèmes et les veloutés
Ils ont pour liaison de base un roux blanc. Seule la mise au point finale les sépare.

Le velouté sera mis au point avec du beurre et des jaunes d'œufs.
Les crèmes seront elles mises au point avec de la crème fraîche en remplacement du beurre et ne comporteront pas de liaison avec du jaune d'œuf.

Précisions concernant le premier genre:
Purées, Coulis, Bisques
Même si ces trois appellations se rejoignent quand à leurs traitements (préparations), elles ne sont pas synonymes et chacune d'elles a une signification bien précise.

- Le terme purée ne s'applique qu'au potage à base de légumes.
- Le coulis est l'appellation des purées de volaille, viandes, gibiers rarement de crustacés.
- La dénomination de bisque vaut pour les poissons et les crustacés.

Enfin certains potages, de par leurs apprêts particuliers peuvent être servis sous formes de purée, velouté ou crème.

Dans son œuvre gigantesque, "Le guide culinaire", Escoffier applique la classification décrite ci-dessous.

  • Première série:    Les Consommés clairs garnis.
  • Deuxième série:    Les Purées, Veloutés et Crèmes.
  • Troisième série:    Les Potages spéciaux et les Consommés liés.
  • Quatrième série:    Les Potages et Soupes de cuisine ordinaires.
  • Cinquième série:    Les Potages étrangers.

Anecdote:
Longtemps à l'époque de Carême (1783/1833) et d'Escoffier (1846/ 1935) mais aussi de Parmentier (1737-1813) et Brillat Savarin (1755/1826) la bataille fut rude sur l'usage et la finalité des soupes et potages dans les services.
Notons la superbe sentence d'Alexandre Balthazar GRIMOD de la REYNIERE (1758-1837)
Le Potage est à un diner ce qu'est le portique ou le péristyle à un édifice; c'est à dire, que non seulement il en est la première pièce, mais qu'il doit être combiné de manière à donner une juste idée du festin, à peu près comme l'ouverture d'un Opéra Comique doit annoncer le sujet de l'ouvrage.

On verra dans la maxime de ce grand gastronome toute la considération mise dans l'élaboration d'un festin et des différents parties qui y contribuent.

Précision importante d'Escoffier lui même:
Un potage se doit toujours d'être servi brûlant dans des assiettes chaudes.
C'est là une spécificité primordiale car seule la chaleur va faire ressortir les parfums et arômes des différentes formules proposées. C'est d'ailleurs, et d'après plusieurs ouvrages de grands cuisiniers, une hérésie de servir un potage après un hors-d'œuvre. Ce dernier ne devant pas être associé à un potage lors d'un diner qui se respecte. Cependant, si le potage est un consommé le hors-d'œuvre pourra suivre mais chaud.

Mes références:
Le Guide culinaire par Auguste Escoffier (Flammarion)
La cuisine de référence par Michel Maincent-Morel (BPI)
Le Grand dictionnaire de cuisine par Alexandre Dumas (Pitbook)

Sur ces quelques mots je vous souhaite une excellente semaine.

Gastronomiquement Votre, Lucullus

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