1905 Alice Rigot

Écrit par Lucullus. Publié dans Les personnages.

Vittet1Née le 5 mai 1905 à Montalieu-Vercieu (38)
Décédée le 14 février 1989 en région lyonnaise

Née Alice Rigot, elle est connue sous le patronyme de "La Mère Vittet". C'est une cuisinière française qui fait partie des célèbres Mères lyonnaises.

A treize ans, elle devient vendeuse chez le fromager Reynier à Lyon. Elle y apprend le métier de commerçante et acquiert le sens du contact avec le client. C'est là qu'elle fait la connaissance de Henri Vittet qui est garçon de courses.

Ils se marient en 1926 et ouvrent une première affaire de beurre-œufs-fromages dans le quartier de Brotteaux puis une fromagerie aux Halles des Cordeliers.

En 1945, ils achètent le "Café du Marché" rue de la Bourse, où elle se lance dans la réalisation d'une cuisine typiquement lyonnaise. C'est l'année également du décès de son époux. Ne comptent alors que son fils et son travail.

Au début des années 50, elle achète le bar du Majestic où sa renommée ne fait que grandir.

En 1957, elle s'installe au "Café Sage", cours de Verdun, dans le quartier de Perrache, établissement indissociable de l'esprit lyonnais. Transformé, il devient la "Brasserie Lyonnaise" puis le "Restaurant de la Mère Vittet". La brasserie est ouverte 24/24 heures, 7/7 jours. Elle tourne avec deux équipes. Suite à des difficultés financières son fils ferme le restaurant en 1993, quatre ans seulement après le décès de sa mère.

Son établissement proposait une cuisine simple, généreuse et familiale mais typiquement lyonnaise. Elle était réputée pour son exigence et sa rigueur en cuisine mais aussi pour sa fidélité à ses employés. Elle décède en 1989 à son domicile en banlieue lyonnaise.

Lors d'une réunion des anciens de la "Mère Vittet" en 2024, le chef Jean Poitou conclut son discours par ces mots :« De la Mère Vittet, je conserve l’image d’une femme exigeante et rigoureuse - le restaurant était ouvert sept jours sur sept et 24h/24 -, mais très juste envers ses employés. Je garde de ces années de très bons souvenirs."

L'histoire de la mère Vittet fait partie de la grande histoire des Mères lyonnaises qui ont fait et font encore rayonner un cuisine authentique et conviviale.Vittet2
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1890 Joseph Niels et fils

Écrit par Lucullus. Publié dans Les personnages.

Niels 0Joseph Niels (1890- 1940) et fils
La saga débute en 1890 avec Joseph le fondateur de la dynastie.
Il est le fils d'une grande famille d’agriculteurs du Brabant flamand, le Pajottenland.

1908
Une épidémie décime le cheptel de l’exploitation agricole. Joseph décide de partir en Grande-Bretagne pour travailler au célèbre Savoy Hôtel de Londres. Il commença comme garçon d'étage mais il fit rapidement son chemin et devint cuisinier. C'est là qu'il a travaillé avec Auguste Escoffier. A cette époque et dans la bible du maître, le tartare de bœuf à la française était au menu mais sa confection variait selon l'humeur du serveur qui le préparait. Ce n'est que plus tard que la mise au point "belge" de la recette fut faite.

1912
A son retour en Belgique, Joseph est engagé au restaurant La Taverne Royale, dans les Galeries Saint-Hubert à Bruxelles, dont il deviendra le directeur.

1924
En 1924, voici juste cent ans, Joseph Niels codifia cette célébrissime préparation typique de la Belgique, le Filet Américain. C'est une recette revue et mise à son goût du tartare de bœuf à la française qu'il avait découverte à Londres avec Auguste Escoffier. Le "filet américain" est devenu un incontournable de la gastronomie belge et on ne saurait aller en Belgique sans le déguster.

1926
Joseph ouvre son propre restaurant, au boulevard Emile Jacqmain à Bruxelles, qu’il baptise Canterbury en souvenir de son séjour au Royaume-Uni. Pendant plus d’un demi siècle, le restaurant sera le rendez-vous incontournable des arts, de la politique et des affaires.

1935
Joseph Niels représente la gastronomie belge avec son propre pavillon brasserie-restaurant lors de l'exposition universelle de Bruxelles. Le Filet américain en est la vedette.

1940
Joseph perd la vie dans un accident. Ses deux fils, Albert (1917-1978) et Georges (1919-2000) reprennent le flambeau.

1945
Le 5 mai 1945 la Silver Star américaine est décernée au groupe Nola dont Albert et Georges font partie.

1948
Sportif, Georges Niels est médaille d’argent en bobsleigh à quatre aux Jeux Olympiques d’hiver à Saint Moritz (Suisse). Cette même année les deux frères ouvrent le restaurant de l’hôtel Claridge à Buenos Aires (Argentine).

1949
Albert et Georges fondent Nielsvins (négoce de vins) et ouvrent le restaurant la couronne à la Grande Place de Bruxelles.

1950
Les meilleurs animaux sont réservés pour le restaurant. Un "Bœuf gras" primé est spécialement réservé.

1958
Au vu du succès du restaurant de l’hôtel Claridge à Buenos Aires, le gouvernement argentin leur propose d’être les ambassadeurs de leur gastronomie à l’exposition universelle de Bruxelles (Restaurant du pavillon argentin).

1959
Les deux frères décident de continuer séparément.
- Albert reste au Canterbury et garde le négoce de vins Nielsvins.
- Georges reprend l’hôtel Brussels et le restaurant La Couronne.

1960
Philippe Niels commence à travailler avec son père Albert. C'est la troisième génération qui débute.

1963
Philippe part en stage à Londres au Hyde Park Hotel.

1967
Philippe ouvre un hôtel en Italie qui appartient à son oncle Georges, l’hôtel Castle Sandra à Santa Maria Di Castellabate (Italie). La même année Georges représente la gastronomie belge à l’exposition universelle de Montréal (restaurant du pavillon belge).

1968
Philippe ouvre avec son père Albert “Au Vieux Saint Martin” au Sablon.

1969
Le père et le fils ouvrent une brasserie de la mer, "La Marie Joseph", dans le quartier des quais.

1970
Ils représentent la Belgique à l’exposition universelle d’Osaka au Japon. Un restaurant gastronomique, une brasserie et deux fritkots sur la terrasse. Pour la première fois, les japonais découvrent le cornet de frites belges et les produits du terroir importés de Belgique. La famille Niels fut pionnière dans l’importation en Belgique des fruits d’Israël et du poivre vert de Madagascar.

1974
Père et fils ouvrent "Au duc d’Arenberg" au Petit Sablon.

1978
Albert Niels décède. Ses trois fils, Philippe, Albert-Jean et Michel reprennent sa succession mais Michel quitte rapidement l'association.

1993
Philippe et Albert-Jean ouvrent une nouvelle taverne-restaurant Canterbury aux étangs d’Ixelles.

2010
Sarah Niels, fille de Philippe, diplômée de l’école hôtelière de Lausanne (Suisse) rejoint son père dans l’entreprise familiale.

2011
Philippe et Albert-Jean décident de se séparer.

Philippe continue la Taverne-restaurant Canterbury, le restaurant La Marie Joseph et le négoce de vins Nielsvins. Louis Niels diplômé de l’institut Paul Bocuse à Lyon (France) rejoint l’équipe.
Albert-Jean et son fils Philippe gardent à leur seul compte le "Vieux Saint-Martin".

2015: Ouverture du restaurant Au Grand Forestier à Watermael-Boitsfort.

2017: Lancement des Chambres de Martin, chambres d’hôte au dessus du Vieux Saint Martin.

2018: Ouverture du restaurant Au Savoy Place Georges Brugmann à Ixelles.

2020: Lancement d’Alfred, service de livraison et de vente à emporter de plats cuisinés.

2022: Ouverture du Claridge, rôtisserie située à Waterloo, à l'automne.

Niels 1Aujourd'hui :
Le Filet américain est une véritable institution de la maison", reconnaît Frédéric Niels, quatrième génération du nom. Un plat servi sur trois est un filet américain et l'immense établissement de 75 tables en intérieur et de 50 en terrasse fait régulièrement salle comble.

Mais comme le dit Frédéric Niels :
"Mon père et moi sommes des patrons toujours en salle, prêts à accompagner tant les clients que le personnel. Nous pouvons compter sur eux et ils peuvent compter sur nous. Et puis, la place du Grand Sablon reste l'un des quartiers les plus dynamiques de Bruxelles."

Origine de la recette du ‘’Filet Américain’’ inventée par Joseph Niels en 1924-1926
Histoire par le petit-fils, Philippe en 1970 et reprise par Frédéric en 2014 :
L’appellation “filet américain” est un clin d’œil aux soldats américains de la Première Guerre mondiale, qui n’auraient jamais eu l’idée de manger de la viande crue.

Le garçon préparait devant vous une mayonnaise faite avec des œufs, moutarde, sel, poivre, oignons et persil hachés, câpres, sauce anglaise, anchois, ail et souvent du citron, puis il y mélangeait la viande de bœuf hachée.

La préparation était accompagnée de pommes frites, cresson ou cressonnette, oignons et cornichons au vinaigre. C’est cette préparation d’origine française qui était couramment préparée vers les années 1920 en Belgique et qui s’appelait "Steak Tartare".

Le problème était que le garçon ou le maître d’hôtel, selon son humeur, assaisonnait cette préparation fort ou pas assez. Lorsque mon grand-père, directeur du restaurant “La Taverne Royale” dans la galerie Saint Hubert, a ouvert la taverne-restaurant “Canterbury” en 1926, il a décidé de créer une autre préparation du steak tartare qu’il a appelée “Filet Américain”.

Le “Canterbury” étant devenu une école pour beaucoup de cuisiniers belges, petit à petit la recette a été reprise en Belgique. De plus, cette recette étant préparée en cuisine, il y a une régularité d’assaisonnement que nous n’avions pas lorsque le personnel de salle la préparait devant vous.

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La recette
Ingrédients :
• 175 g de viande de bœuf hachée gros 1er choix, grosse cuisse ou tâche noire (plus de goût) bien dénervée ;
• Sauce Joseph qui est une mayonnaise renforcée en piccalilli haché finement ;
• 4 jaunes d’œufs en plus au litre de mayonnaise ;
• Sel et poivre ;
• Véritable sauce anglaise (Lea & Perrins) ;
• Oignons et persil finement hachés ;
• Câpres.

Préparation :
• Hacher la viande deux fois au hachoir pour ôter les filaments de gras.
• Bien mélanger avec une fourchette en bois pour arriver à une bonne onctuosité,
• Servi bien entendu avec des pommes de terre frites belges (bintje) pas trop épaisses passées 2 fois au blanc de boeuf.
• Un peu de cresson de rivière, oignons et cornichons aigre-doux qui ne tuent pas le goût de la viande.

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1500 Bartolomeo Scappi

Écrit par Lucullus. Publié dans Les personnages.

Scappi 1Né vers 1500 à Bologne (Italie)
Décédé le 13 avril 1577 à Rome (Italie)

Bartolomeo Scappi est un célèbre cuisinier italien considéré comme l’un des plus importants chefs de son temps. Il a su présenter une synthèse de la cuisine de la fin du Moyen-âge et du début de la Renaissance. C'ést à la fois un théoricien et un praticien. Il est le successeur des maîtres que furent Martino et Platine de Cremone.

Son œuvre, fort documentée, est une étape dans l'histoire de la gastronomie. Elle a influencé de nombreux chefs. La vision scientifique qu'il avait de la cuisine en a fait une discipline technique.

On ne connaît pas sa jeunesse si ce n'est qu'il a travaillé auprès des plus grands de l'église catholique.

Il a passé 7 ans au service du cardinal Marin Grimani à Venise.
En 1536 il officie chez le cardinal Lorenzo Campeggio à Rome, pour lequel il organise un somptueux banquet en l'honneur de Charles Quint.
Il œuvre pour un cardinal lors du conclave qui a vu l'élection de Giammaria Ciocchi del Monte (Jules III, pape de 1550 à 1559)
Il est successivement le cuisinier attitré de 3 papes jusqu'en 1576.
• Pie IV, Giovanni Angelo Medici di Marignano, pape de 1559 à 1565) ;
• Pie V , Michele Ghislieri, pape de 1566-1572 ;
• Grégoire XIII, Ugo Boncompagni pape de 1572-1585.
Il a été membre de la "Venerabile compagnia de cuochi e pasticieri di Roma", une confrérie regroupant les plus importants cuisiniers et pâtissiers de Rome.
On peut dire que Rome était alors le siège de la gastronomie européenne. On peut le comparer à Antonin Carême dans l'histoire de la gastronomie mondiale.

Il décède en 1577 à Rome.

Scappi 3Son œuvre :
Il publie à Venise en 1570 son œuvre majeure "Opera dell'arte del cucinare" (Ouvrage sur l'Art de cuisiner). Opéra signifie "Œuvre" en italien. C'est un véritable best-seller qui connaîtra sept rééditions avant 1646.

L'ouvrage comprend plus de 1000 recettes mais également les premières planches illustrées, 28 au total, décrivant une cuisine, les cuisiniers au travail et les arts de la table. Il témoigne d'une approche toute scientifique et précise de la cuisine de son époque.

Le livre traite notamment de la cuisine régionale italienne, des plats de viande, de poisson, de légumes, de la pâtisserie, ainsi que des recettes pour les malades.

Il y donne également de nombreuses recettes d’autres pays comme la France, l’Espagne et l’Allemagne. On y trouve la première recette de "couscous à la moresque".

Ses recettes sont une transition élaborée entre la cuisine médiévale et celle de la Renaissance. Il réintroduit les abats et les coquillages jusqu'ici délaissés. Il fait la part belle au beurre et à la crème mais également aux légumes venus du Nouveau-monde. Plus anecdotique, de nouveaux formats de raviolis sont décrits. Il diminue l'usage des épices tant utilisées dans la cuisine du moyen-âge. Il va également rejeter l'usage du sucré-salé, trop marqué selon lui dans la cuisine de ses prédécesseurs.

Pour le côté pratique, il introduit des techniques innovantes comme l'usage de la pâte feuilletée ou celle de la cuisson à l'étouffée ou au bain-marie.

Il a été traduit, copié, pillé, plagié, tout au long des XVIe et XVIIe siècle, ce qui montre bien son excellence et sa vision de son art.

 "Opera dell'arte del cucinare" est composé de 6 livres :

  • 1. Primo libro : indications générales pour reconnaître la qualité des produits (poissons, fruits, viandes…).
  • 2. Secondo libro : recettes de viande, avec de nombreuses préparations d’abats, de veau, de bœuf, d’agneau, de chevreau ou de porc (foies, rognons, tripes, testicules, langue, cervelle, oreilles et tête, pieds); recettes variées de minestra et de suppa, dans lesquelles on trouve des recettes de riz et de pâtes; recettes de sauces.
  • 3. Terzo libro ou libro quadragesimale : recettes de carême avec des recettes de fruits de mer, de poissons, de légumes, des recettes avec des pâtes, des fruits et des œufs. 27 illustrations de cuisine sont présentes. On découvre alors des cuisines avec des foyers maçonnés (fourneau potager), de l’eau courante sur un évier, une cheminée surélevée, de nombreuses variétés de casseroles, couteaux, un levier pour soulever les grosses marmites, un tourne broche mécanique, des cuisiniers et des serveurs au travail…
  • 4. Quarto libro, dellimbandire le vivande : environ 8 à 10 menus par mois, d’avril à mars, ainsi que 6 menus de Carême (dont le fameux menu de Bologne pour Charles Quint organisé par le cardinal Lorenzo Campeggi en 1536).
  • 5. Quinto libro, libro delle paste : livre des pâtes, décrivant tourtes et pâtés en croûte à la viande ou au poisson, tartes à la viande, aux légumes et aux fruits, pizza, brioches et beignets. C’est dans ce livre qu’on trouve les premières recettes de pâte feuilletée.
  • 6. Libro sesto et ultimo de convalescenti : livre pour convalescents avec des recettes adaptées aux malades et aux convalescents qui ont besoin de fortifiants. Il s’agit donc d’un petit livre de recettes diététiques : recettes de brouets, de hachis, de soupes, de viandes rôties, de tartes, d’œufs, de fruits et de sauces.

Per fare pizza a un’altro modo

Piglinsi libre due di fior di farina, e impastinsi con oncie sei di cascio Parmigiano pisto nel mortaro, stemperato con brodo grasso, e acqua rosa, e passato per il setaccio, e oncie tre di zuccaro, sei rossi doua, tre oncie di mollica di pane imbeuerata con brodo grasso, mezz’oncia di cannella, mezz’oncia tra garofali, e noci moscate, e per spatio d’un’hora rimenisi essa pasta, e facciasene sfoglio sottile, e ongasi di butiro liquefatto, e facciasene tortiglione per il lungo del sfoglio di quattro riuolture, e ongasi il tortiglione di buttiro liquefatto non troppo caldo, e d’esso tortiglione facciansene piu su caccine, e frigghisino in butiro, o strutto, o cuochisino nel forno nella tortiera, come si cuoce i tortiglioni, seruisino calde con zuccaro sopra.
Traduction : Alessio Colarizi Graziani.

Pour faire une pizza d’une autre façon

• Prenez 2 livres de fleur de farine et pétrissez cela avec 6 onces de parmesan pilé dans un mortier.
• Diluez avec du bouillon gras et de l’eau de rose et passez-le au tamis, et 3 onces de sucre, 6 jaunes d’œuf, 3 onces de mie de pain trempée dans du bouillon gras.1/2 once de cannelle, 1/2 once comprenant du clou de girofle et de la noix de muscade.
• Laissez reposer cette pâte pendant 1 h et faites avec cette pâte une feuille mince et graissez cela avec du beurre liquéfié et faites en un tortillon (torsade) dans le sens de la longueur de 4 tours (comme une tresse) et graissez cette torsade de beurre liquéfié pas trop chaud et de cette torsade faites plusieurs fougasses.
• Faites frire cela dans du beurre ou du saindoux ou cuisez au four dans la tourtière comme on cuit les torsades, servez chaud avec du sucre dessus.
Bon appétit !
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1810 Alexis Soyer

Écrit par Lucullus. Publié dans Les personnages.

Soyer03Né le 04 février 1810 à Meaux
Décédé le 5 août 1858 à Londres
C'est un chef cuisinier français décrit par Urbain Dubois comme "un artiste, écrivain et praticien distingué, très connu en Angleterre". C'est également un philanthrope, un ingénieur et un inventeur de génie. Sa vie a été courte mais vraiment étonnante, mouvementée, brillante. Il a travaillé aussi bien pour les riches de la haute société que pour les déshérités ou pour l'armée britannique. Sa notoriété lui vaut de nombreux ouvrages outre-manche.

Il est le fils d'un épicier de religion protestante qui le destinait à devenir pasteur. En 1821, à l'âge de 11 ans, il est renvoyé du séminaire pour avoir sonné le tocsin en pleine nuit. Il était facétieux. Son père le place alors comme apprenti au restaurant Georges Rignon à Thiverval-Grignon où travaille son frère Philippe.

1826-1830, il travaille au Café d'Ouix, comme second de cuisine puis comme chef de cuisine.
En 1830 il a une relation avec Adèle Lamain ; relation qui donnera naissance à son fils Jean-Alexis.

En 1831, à tout juste 21 ans, il entre au service du Prince de Polignac en tant qu'assistant chef de cuisine. La révolution de Juillet lui fait quitter la France pour l'Angleterre. Il y retrouve son frère qui est chef de cuisine à la maison du duc de Cambridge. Il y est également embauché.

Quittant la maison du duc de Cambridge, il travaille pour plusieurs aristocrates comme le duc de Sutherland, le marquis de Waterford, William Lloyd of Aston Hall et le marquis d’Ailsa à Isleworth. Il entre en Franc-maçonnerie sous l'influence d'un de ses patrons.

En 1837, il est recruté par Lord Chesterfield comme chef du Whig College, communément appelé "The Reform Club". Il y reste 13 ans assurant la suprématie du club, ce qui lui vaut d'être inscrit au Dictionary of national biography.

Son inventivité n'a de cesse et a peu de limite. Il rénove les cuisines et introduit de nombreux changements. Il crée une broche mue par vapeur ainsi que des réfrigérateurs à eau courante glacée. Il crée des fourneaux à températures réglables. Fier de ses innovations il fait visiter ses cuisines, habillé de vêtements coupés en biseau et d'une toque de velours rouge. Cette même année, il épouse le 21 avril, Elizabeth Ema Jones (1813-1842), une artiste peintre renommée. Elle prend alors le pseudonyme d'Emma Soyer.
Soyer00En 1838, sa renommée monte d'un cran. Il prépare un petit-déjeuner pour 2000 convives, à l'occasion du couronnement de la reine Victoria.
Alexis Soyer est mécontent des méthodes utilisées dans la cuisine anglaise et surtout de la cuisson à l'eau des légumes. Cuisson qui porte toujours le nom "d'anglaise". Il invente alors une ancêtre de la cocotte-minute pour cuire les légumes à haute pression afin qu'ils gardent leurs saveurs.

En 1842 son épouse meurt en couche. Il se consacre alors aux œuvres de charité. Alexis Soyer est un homme de cœur, il met toutes ses forces et active ses réseaux pour la réalisation de ses projets.

En avril 1847, pendant la grande famine irlandaise, causée par la maladie de la pomme de terre (1845-1852), il est mandaté, à Dublin, par le gouvernement pour installer des cuisines économiques à petits prix. Il livre ainsi entre 5000 et 8000 repas par jour.

Toujours en 1847, il crée une soupe populaire dans le quartier pauvre de Spitalfields à Londres, où vivent de nombreux protestants français réfugiés en Angleterre. On y servait une soupe préparée avec du gras de lard, de l'ail, des oignons, du navet, de l'anchois, du poivre et de la tomate, "la Soupe Soyer".

Il rédige Soyer’s Charitable Cookery or The poor man's regenerator (la Cuisine charitable de Soyer). L'ouvrage est vendu 6 sous ; il verse une partie des bénéfices aux œuvres de charité.

Son imagination est sans limite.

En 1849 il invente le "fourneau magique" qui permet de cuire la nourriture à table. Il crée dans le même temps une cafetière "magique" et une machine à cuire les œufs.

En mai 1850 il quitte le Reform Club pour créer un restaurant à Kensington durant la Grande Exposition. Ce sera un échec. Il publie The Modern Housewife (La ménagère moderne)

En 1853 il est rejoint par Adèle Lamain, sa maîtresse.

En 1855, il rejoint, à ses frais, les troupes combattantes pendant la guerre de Crimée, comme conseiller en cuisine militaire. Son four de campagne permet de cuire de grandes quantités de nourriture sans fumée intempestive, ce qui évite de se faire repérer par l'ennemi.

En 1858, ses activités auprès de l'armée le mèneront à donner des conférences aux autorités militaires britanniques. Ses conseils seront suivis jusqu'en 1935.
Il publie "A Shilling Cookery Book for the People" (Un livre de cuisine à un schilling pour le peuple). Le livre sera vendu à 110.000 exemplaires en 4 mois. On y trouve des recettes comme l’Irish stew (ragoût irlandais).

Soyer041855-1857

Il reste deux ans en Crimée en compagnie de Florence Nightingale et de son groupe de 38 infirmières volontaires. Il essaie de réorganiser l'approvisionnement des hôpitaux militaires, commençant à cuisiner pour la 4e division d’infanterie, inventant ses bivouacs et recommandant les gâteaux secs à base de légumes pour prévenir le scorbut.
En mai 1857, victime d'une maladie infectieuse qui le cloue au lit, Alexis Soyer rentre finalement en Grande-Bretagne, soit plus d'un an après le traité de paix de Paris. Très affaibli et ployant sous les dettes, le célèbre cuisinier se consacre à la rédaction et à la promotion de ses ouvrages et de ses sauces.
De même, dans cette période, il supervise néanmoins la création d'une cuisine modèle dans les casernes de Welligton Barracks de Londres. Il met également au point une cuisinière de campagne portative, la Soyer Stove qui restera d'usage jusqu'à la guerre du Golfe en 1990.

Il décède le 5 août 1858 à l'âge de 48 ans, d'un accident vasculaire cérébral, une semaine après l'inauguration de ces cuisines.

Aujourd'hui encore le nom d’Alexis Soyer est dans les mémoires. Il est reconnu, pour ses talents de cuisinier, mais aussi pour son inventivité et sa philanthropie. Beaucoup ont écrit sur ce personnage extraordinaire que ce soit de son vivant ou depuis sa mort ; en voici deux exemples :

Soyer02Le 29 avril 1848 John Bull a a écrit :

"Le grand Napoléon de la Gastronomie, l'homme qui en apportant les lumières de la chimie à l'art de préparer les mets a inventé une sauce (ou plutôt deux sauces), sauce succulente (une pour les Messieurs , et une autre pour les Dames), en comparaison avec laquelle toutes les autres sauces sont fades, ternes, plates et non goûteuses. Il y a une chaleur et une saveur dans la sauce succulente de Soyer qui donne un zeste à l'appétit et donne un goût à la côtelette, au steak, à la viande froide ou à tout autre aliment, une très une petite quantité suffit pour donner la saveur la plus délicieuse".

En 1963, le journaliste anglais Charles Graves a écrit :

"Soyer reste dans les mémoires pour ses côtelettes Reform et sa sauce à la Reform» dont Urbain Dubois donne la recette (1881). Il a créé la Crème d'Égypte à l'Ibrahim (1846) pour le dîner d'Ibrahim Pasha qui en fut impressionné. Les menus de Soyer au Reform Club sont somptueux, ils sont publiés (1887), celui d'Ibrahim Pasha comptait 54 entrées et 54 entremets (tous les noms des plats sont en français) ; Il a également commercialisé la sauce Soyer, le nectar Soyer à base de jus de fruits et d'eau aérée censé rafraîchir et tranquilliser, l’Ozmazone et le Soyer’s relish".
On peu trouver la bibliographie d'Alexis Soyer dans le livre en français par Frank Clement-Lorford (2019) : "Alexis Soyer, un cuisinier français à Londres au XIXe siècle".

Ouvrages :

• 1846 The Gastronomic Regenerator : Un système simplifié et innovant de cuisine avec près de deux mille recettes adaptées à toutes les classes sociales. (réédité en 1847, 2014)
• 1847 Soyer's Charitable Cookery : Ouvrage dédié à la cuisine caritative, avec des recettes pour nourrir les démunis, dont les profits étaient reversés à des œuvres de charité.
• 1850The Modern Housewife of Menagere (La ménagère moderne) : Recettes pour la ménagère moderne, avec des instructions pour la gestion familiale et la cuisine quotidienne.
• 1853 The Pantropheon : Une histoire de l'alimentation et de sa préparation dans l'Antiquité.
• 1854 A Shilling Cookery for the People : Un livre de cuisine destiné aux classes populaires, proposant des recettes simples, économiques et nourrissantes, vendu à un prix abordable.
• 1855 A Shilling Cookery Book for the People (Un livre de cuisine à un schilling pour le peuple),
• 1857 Soyer’s Culinary Campaign (La campagne culinaire de Soyer) : Récits historiques et recettes pour l'armée, notamment durant la guerre de Crimée.
• 1857 Instructions for Military Hospital Cooks (Instructions aux cuisiniers des hôpitaux militaires) Guides pour la cuisine dans les hôpitaux militaires.
• 1859 Memoirs of Alexis Soyer (1859) : Récit autobiographique compilé après sa mort, avec des souvenirs, des recettes inédites et des anecdotes.
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1865 Edouard Nignon

Écrit par Lucullus. Publié dans Les personnages.

Nignon1Édouard Nignon
Né le 9 novembre 1865 à Nantes
Décédé le 30 octobre 1934 à Bréal-sous-Montfort

C'est une figure emblématique de la cuisine française du XXe siècle. C'est un cuisinier qui a beaucoup voyagé, dont la cuisine est imprégnée des cultures qu'il a croisées. Sa philosophie s'appuie sur la découverte de l'ailleurs et l'adaptation personnelle qu'on peut en faire. Ses écrits en témoignent. Il a injustement été oublié.

Il est le fils d'un journalier et d'une lingère. Il est élevé au sein d'une fratrie de huit enfants.

1965 : Naissance à Nantes ;

1874 : Il entre en apprentissage à 9 ans au restaurant Cambronne;

1875 : le 20 octobre, il entre au restaurant Monier, le meilleur établissement de la ville où il découvre l'envie de devenir cuisinier. Il y apprend à lire et écrire ;

1880 : Il passe par Angers et Cholet avant d’atteindre Paris. Il intègre le restaurant chez Potel et Chabot, haut lieu de la gastronomie parisienne ;
Cette maison se lance dans l’aventure russe dès 1884 et sera marquée par un premier dîner offert au tsar à l’ambassade de France. Ce sera suivi d’une tournée de banquets officiels de plusieurs jours, donnés en l’honneur de la venue du couple impérial russe en France. L'influence de cette expérience sera déterminante pour le jeune cuisiner.

1888 : Il quitte cette adresse prestigieuse où, dit-il "j’acquis dans mon art une expérience étendue, mais avide d’acquérir davantage, j’exerçai successivement à la Maison Dorée, au Café Anglais, temple de Lucullus, au restaurant Bignon comme aide saucier, au Café Voisin chef saucier puis au restaurant Magny."
Le 16 septembre de la même année , il se marie avec Joséphine Lucas, cuisinière également. Ils donneront le jour à Marcel Edouard en1889.

1891 : Il est chef de restaurant "Terminus Hôtel".

1892 : Il part en Autriche comme chef de cuisine au Trianon, établissement Viennois en vue à cette époque. Il y servira l'empereur François-Joseph et la cour de l'empire Austro-Hongrois. Il y rencontrera surtout de nombreux chefs étrangers qui lui ouvriront d'autres univers culinaires.

Il rentre en France pour prendre la direction des cuisines du restaurant Paillard, l'un rue de la Chaussée d'Antin et le second en 1896 sur les Champs-Elysées.

1896, Joséphine Lucas, son épouse, décède.

1897, il quitte Paris pour Londres comme directeur des cuisines lors de l'ouverture du Claridge's Hotel. Etablissement qui attira rapidement une riche clientèle londonienne.
Edmond Nignon à la bougeotte dans le sang. Ses multiples expériences lui donnent l'envie d'aller plus loin dans sa démarche.

1900 : Il pose sa candidature pour prendre la direction du restaurant l'Hermitage à Moscou. Il y part le 5 août. Il y découvre un monde d'une richesse inouïe. C'est un organisateur hors pair. Il avait 120 cuisiniers sous ses ordres. Selon ses dires il travaillait comme un forcené presque jour et nuit pour, je cite : "prodiguer mes attentions à la nombreuse et brillante société de dîneurs qu’il me fallait satisfaire. Les hauts dignitaires, les richissimes seigneurs russes étaient grands amateurs de la cuisine française"

1901 : le 2 août, il se remarie avec Marie-Antoinette Simonot au Consulat Général de France et en l’église Saint-Louis des Français de Moscou.

1905 : Le couple donne naissance à Berthe-Marie.

Il quitte l'Hermitage pour prendre, avec trois autres directeurs, la direction de l'Hôtel Métropole qui venait d'être construit à Moscou. Il s'occupait des cuisines et de la boulangerie établie en sous-sol. La salle à manger était gigantesque avec 150 tables. Mais les mouvements révolutionnaires perturbèrent son travail et l'amena à réfléchir à son avenir moscovite. Je le cite :"J’avais failli périr sous les balles d’un Cosaque ; la brusque intervention de l’un de mes employés criant au soldat : "Ne tire pas, c’est un frère !" m’avait sauvé la vie.".
1908 : Il quitte Moscou pour rejoindre Paris et participer à l'ouverture de l'Hôtel Majestic. La même année, il rachète le restaurant Larue, propriété du comte d'Uzès. Il réalise son rêve, ouvrir son propre restaurant et surtout l'un des plus renommés de Paris. On y retrouve rapidement le gratin de la vie mondaine de la capitale : artistes, poètes comme Marcel Proust, Anatole France ou Edmond Rostand, des hommes politiques comme le nantais Aristide Briand, rois et princes.
Il commence à compiler un recueil de recettes et il publie des ouvrages de cuisine d'un très grand luxe. Paraît-il qu'il en offrait plus qu'il n'en vendait.

1909: Il est également commissaire des expositions culinaires. Il est décoré Chevalier de l'ordre Agricole.

1914-1918
Les fêtes cessent. Nignon qui avait régulièrement assuré le service à la présidence française et promu chef pour le président américain Andrew Wilson lors des deux séjours de ce dernier dans la capitale.

1919 : Après avoir vendu son restaurant à son neveu par alliance Célestin Duplat, il achète le château de la Haute Forêt à Bréal-Sous-Montfort à l’ouest de Rennes et de Bruz, village où le nom de son fils est inscrit sur le monument aux morts

Il publie deux ouvrages de cuisine en collaboration avec un spécialiste des ouvrages de cuisine : L’Armoire de citronnier et L’Heptaméron des Gourmets, ou Les délices de la cuisine française, tous deux parus en 1919. Ce dernier est dédicacé à la mémoire de son fils Marcel, tué le 8 octobre 1914 au combat de la Boisselle dans la Somme.

1921 : Le 8 janvier, il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du ministère de l’Intérieur : « M. Nignon (Édouard), restaurateur, négociant à Paris. Commissaire et administrateur du bureau de bienfaisance du 8e arrondissement pendant la guerre ; conseiller du commerce extérieur de la France en 1920 ; fondateur à Sannois d’un orphelinat pour les orphelins de guerre ; conseiller de la ligue nationale pour l’exportation française depuis le 20 juillet 1920 ; restaurateur, négociant depuis 25 ans. Titres exceptionnels : un an de services militaires et 25 ans de pratique commerciale ou professionnelle. Services distingués rendus pendant la guerre aux œuvres de bienfaisance et notamment comme fondateur d’un orphelinat pour les orphelins de la guerre de sa corporation.

19Nignon228 : Il se retire à demeure dans son château. Il a alors 63 ans. C'est depuis là qu'il essaie, sans vraiment y arriver, de gérer l'ensemble de ses recettes.
1934 : Le 30 octobre il décède d'une cirse d'urémie chez lui à l'âge de 69 ans. Il est inhumé dans le cimetière de Bréal-sous-Montfort.
Il est oublié de ceux pour qui il a œuvré et la seconde guerre mondiale met le point final à sa renommée.
  • Il a légué sa fortune à son fidèle second.
  • Une rue porte aussi son nom à Nantes dans le quartier de Saint-Joseph-de-Porterie.
  • Simone Morand ; ethnologue de la Bretagne, lui attribue l'invention du homard à l'armoricaine et de la beuchelle tourangelle.
  • Intéressé par les alliances de saveurs atypiques, il crée entre les deux guerres les huîtres au camembert.
En 2007 a été créé l'Institut Nignon à Nantes. Une des activités principales de l’Institut Edouard Nignon est l’organisation de déjeuners à thèmes historiques et artistiques dans les bons restaurants nantais. Lire le pdf

Œuvres :

1919 : L'Heptaméron des gourmets ou les Délices de la cuisine française ;
1924 Le livre de cuisine de l'Ouest-Eclair, réédition 1928 ;
1926 Les Plaisirs de la table, où sous une forme nouvelle, l'auteur a dévoilé maints délicieux secrets et recettes de bonne cuisine, transcrits les précieux avis de gourmets fameux et de fins gastronomes, conseillers aimables et sûrs en l'art de bien manger. ;
1933 Éloges de la cuisine française, préface de Sacha Guitry ;
1935 : Le Précis de cuisine familiale… ;

Sources : Patrimonia Nantes, Nignon Ouest-atlantis, Wikipédia
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